Ma grand-mère en maillot de bain.

Ma soeur et moi avec notre grand-mère de 88 ans dans les bulles en effervescence d'un SPA.

Cette année, nous avons offert, comme cadeau d’anniversaire, à mon père : un SPA.  Le modèle qui permet de se détendre tranquillement chez soi, à tout moment de la journée, dans une eau à 38°en effervescence. Et ce nouvel objet de détente à domicile n’a pas échappé à Gratienne…

Lors de la dernière visite de ma sœur en Charente, ma grand-mère, curieuse, lui demande : 

– Tu vas l’essayer, toi, le SPA ?

Aurore lui retourne la question : 

– Et toi, Mamie, tu aimerais l’essayer ? 

– Et pourquoi pas, après tout !

Ma sœur m’envoie aussitôt un SMS, amusée par cette conversation. 

Puis, elle me dit : 

– Qu’est ce que tu en penses ? je trouve un maillot de bain pour elle, tu nous rejoins et nous en profitons pour vivre ce moment ensemble !

Sur le coup, je rigole et je lui demande si elle est sûre d’avoir bien compris, ce à quoi elle me répond :

– oui, j’ai bien compris vu, qu’à sa demande, je vais chercher un maillot de bain au supermarché…

D’UNE IDEE FOLLE A UN GRAND OUI.

La première pensée qui a traversé mon esprit : quelle idée folle ! La deuxième plus pragmatique : est-ce que nous prenons un risque pour Gratienne ? Saurons-nous l’accompagner dans les gestes pour entrer dedans, s’y installer et l’aider à en sortir ? Mais très rapidement, la joie de réaliser une de ses envies clairement formulées m’a convaincue de dire un grand oui. 

Le rendez-vous est pris à 17h par une belle journée ensoleillée. Nous avons choisi l’horaire afin que la chaleur soit supportable pour ma grand-mère, et en fonction du dernier passage de l’auxiliaire de vie à 18h30. Ainsi, nous avons réuni les meilleures conditions de détente, pour profiter pleinement de ce moment réjouissant. 

A mon arrivée, ma sœur et ma grand-mère se préparent. 

Une fois les maillots enfilés, nous prenons l’allée vers la terrasse de mon père, où le SPA a trouvé sa place. Une chaise, installée par mon père, attend Gratienne, afin qu’elle puisse s’asseoir, pendant que nous nous coordonnons, Aurore et moi. 

COMMENT ALLONS-NOUS FAIRE ?


Nous nous répartissons les rôles. L’une d’entre nous s’installe à l’intérieur, pendant que l’autre assure sa sécurité à l’extérieur. 
Gratienne coopère pleinement, animée par sa joie à entrer dans le bassin. 

Une fois dedans, nous réalisons que, assise directement au sol, le niveau de l’eau fait prendre un risque à Gratienne. Aussitôt, nous installons un tabouret, afin qu’elle soit assise en sécurité et qu’elle puisse se relever plus aisément.  Puis, installées toutes les trois, en sureté, place au ballet des bulles sous les rayons du soleil, enivrées par l’odeur du chèvrefeuille du jardin. 

Gratienne, le sourire aux lèvres, sent ses jambes légères flotter. Pendant ce moment propice aux échanges, elle laisse échapper cette confidence :

« et dire que je ne suis jamais allée à la piscine de ma vie ».

Elle était heureuse et nous pouvions vivre cet instant avec elle, simplement. 

Ce joli moment, nous l’avons pris toutes les trois, malgré l’incertitude liée à l’avancée en âge. Une fois de plus, je prends conscience que nous ne pouvons jamais présupposer de ce que l’état de santé de ma grand-mère va lui permettre d’accomplir. 
Cependant, c’est bien elle, la mieux placée pour nous exprimer ce qu’elle souhaite, guidée par ses envies. 

Avec ma sœur, nous nous sommes délectées de cet instant parfait, dorénavant gravé dans notre mémoire. Ce qui me restera, c’est la sensation de mes yeux rieurs, qui observent ma grand-mère de 88 ans s’amuser autant que ses deux petites-filles dans les bulles ! 

COCO, c’est moi Miguel !

 

Durant les vacances de Noël, j’ai accompagné mon fils au cinéma pour voir COCO, le dernier film d’animation de Pixar et Walt Disney, sorti en salle le 29 Novembre dernier. C’est l’histoire de Miguel, qui veut croire et réaliser son rêve de devenir musicien, malgré l’interdiction de sa famille !

C’est une histoire sur la transmission familiale, qui se construit sur une blessure du passé. C’est surtout l’histoire de l’amour familial et du lien intergénérationnel, au-delà de la mort.

Mon fils a 12 ans, comme le personnage principal, mais lors de la séance, je me rends compte que Miguel, c’est moi !

Sa passion qu’il ne s’autorise pas à vivre de peur d’être mis de côté par sa famille, sa passion qu’il doit exposer au grand jour, et aussi, cette quête d’être autorisé par ses pairs à la vivre ! Ce film, c’est aussi une fenêtre sur une autre culture que la nôtre, pour célébrer la mémoire de nos morts.

Et c’est avec émerveillement que j’ai découvert la tradition de Dia de los MuertosLe Jour des Morts. Chaque année, lors de cette nuit, les Mexicains rendent hommage aux disparus, afin de les accueillir pour partager un moment avec eux dans le monde des vivants. C’est une vraie fête où les enfants, les adultes et les aînés se retrouvent pour honorer leurs origines.

Jusqu’à présent, je fêtais Halloween avec famille et amis. Les déguisements, les maquillages étaient prétexte à utiliser notre créativité familiale pour passer une bonne soirée.

Par contre, avec Dia de los Muertos, je trouve un écho à mon besoin de rendre hommage aux disparus de ma famille. De rendre leur présence parmi nous visible. J’aime beaucoup l’idée des photos sur un autel, entourées de toutes les choses qu’ils aimaient. Même si, pour moi, la photo n’est peut-être pas nécessaire. Depuis la mort de ma mère, j’essaie de toujours avoir une orchidée à la maison, surtout à la date anniversaire de sa mort. C’est une fleur qu’elle aimait énormément, et qui l’a accompagnée avec abondance le jour de sa crémation. Cette année, c’est ma grand-mère qui me l’a offerte, c’était encore plus fort de symbole pour moi.

Pour ma grand-mère, les photos représentent son lien entre les vivants et les morts, elles l’accompagnent, l’entourent dans son quotidien. Elles lui permettent de stimuler sa mémoire et de créer une interaction avec toute nouvelle personne qui lui rend visite :

« C’est ma famille, je veux les avoir avec moi ! »

D’ailleurs, elle m’a exprimé le besoin d’en rajouter : il manque encore quelques personnes vivantes et mortes pour compléter son mur du « souvenir » !

Pour en revenir au film, le personnage touchant de Mama Coco, l’arrière-grand–mère de Miguel, est le dernier lien vivant avec le souvenir de son arrière- arrière-grand-père, son père à elle.

Elle est la seule à se souvenir de cet homme, que toute la lignée suivante a décidé de bannir de la mémoire collective. Ce musicien , parti par amour pour son art, n’est jamais revenu auprès des siens et a provoqué cette blessure profonde, que Miguel subit encore deux générations plus tard !

Mama Coco vit avec les siens. Elle est présente à chaque moment de la vie familiale, depuis sa chaise roulante, somnolente et le visage apaisé.

Je me suis reconnue dans ce lien de tendresse que Miguel tisse avec elle. Il lui raconte les anecdotes de sa vie, il fait le pitre devant elle, impassible sur sa chaise, avec toujours la même expression sur le visage. Elle est là physiquement mais son esprit n’est pas connecté au mouvement de la vie, qui s’agite sous ses yeux clos. Pourtant, elle s’éveillera et communiquera quand Miguel chantera la chanson que son père chantait seulement pour elle, quand elle était enfant !

Ce film m’a chamboulée, pour l’ensemble des thèmes et des valeurs qu’il met en lumière. Je suis vraiment heureuse d’avoir partagé ce moment avec mon fils, afin de lui transmettre mes propres valeurs familiales et lui dire que, quels que soient ses choix, que je les partage ou pas, il aura toujours tout mon amour, ma bienveillance et mon soutien. J’espère que notre histoire commune sera une base solide pour qu’il puisse construire la sienne à son tour !

le plus beau des cadeaux !

Samedi, en me rendant chez ma grand-mère, j’ai trouvé une grande enveloppe kraft, avec une écriture manuelle, qui attendait dans la boîte aux lettres.

– Bonjour Mamie ! Regarde, tu as reçu une lettre aujourd’hui. Elle vient de Normandie !

– De Normandie ?! Ouvre-la, s’il-te-plaît !

Je n’avais pas la moindre idée de ce que nous allions découvrir dans cette lettre, et je ne vous cache pas ma joie en découvrant 2 photos format A4 de… tombes !

Oui, de la joie, vous avez bien lu ! Car ce n’étaient pas n’importe quelles tombes, c’étaient celles de mon grand-père et de mon oncle.

Ces tombes se trouvent en Seine-et-Marne, dans une petite commune de 521 habitants, où mes grands-parents avaient posé leurs valises, pour profiter d’une retraite bien méritée.

Je ne connais pas bien cette commune : elle était seulement le lieu de mes vacances scolaires jusqu’à mes 13 ans environ. Eh oui ! Passé cet âge, j’avais d’autres préoccupations que de prendre mon vélo et de chercher l’endroit idéal, dans les bois tout proches, pour y construire la plus belle des cabanes.

Pour ma grand–mère, cette commune, c’était chez elle ! Elle y avait sa maison, ses poules, son jardin… et le cimetière, où mon oncle fut rejoint, quelques années plus tard, par mon grand-père. Elle s’y rendait une fois par semaine. Elle prenait le temps de nettoyer les tombes, et de partager un moment avec eux. C’était devenu une habitude, un rituel.

Quand elle s’est installée en Essonne, près de mes parents, elle a continué de s’y rendre, mais seulement quelques fois dans l’année, surtout à la Toussaint, pour y mettre des fleurs artificielles.

– Tu sais, Magalie, les vraies fleurs, c’est bien, mais ça ne dure pas, contrairement aux artificielles !

Il a fallu un petit moment à ma grand-mère pour appréhender les photos et leurs détails, mais une fois ce temps pris, c’est avec émotion qu’elle s’exprima :

– Tu te rends compte Magalie, il y a quelqu’un qui pense à eux et à nous, on n’est pas abandonnés!

– Je vois que ça te fait plaisir ces photos, je suis vraiment contente pour toi ! Es-tu rassurée de voir que leurs tombes sont en bon état ?

– Oui, regarde : je me rappelle avoir choisi ces fleurs jaunes sur la tombe de ton grand-père. Elles sont comme des roses, mais ça n’en est pas ! On voit bien aussi les inscriptions !

Il se dit qu’une tombe est « une dernière demeure », et je réalise que, pour ma grand-mère, cette expression prend tout son sens : c’est bien l’endroit où elle aimait « rendre visite » à son mari et à son fils pour prendre soin d’eux. C’est là-bas qu’elle souhaite les retrouver, le moment venu. Et il en sera ainsi.

Merci à Anne-Marie, la bienfaitrice qui a rendu cela possible. Il s’agit d’une amie de la famille, qui vit en Normandie, et qui a saisi l’occasion d’un déplacement en région parisienne, pour faire un crochet par leur « maison ». Elle ne pouvait pas imaginer lui faire un plus beau cadeau qu’en accomplissant ce détour sur le chemin de la mémoire.