Nous Deux

Gratienne et moi.

Ma mamie, ma grand-mère, Gratienne. 

Pendant 5 ans, j’ai parlé de toi, de nous, de notre histoire familiale qui a démarré à la mort de ma maman, ta fille. 

J’ai appris de toi, de moi, de nous. De la souffrance, de la vieillesse, de notre relation d’aidance.

Et de ce lien d’amour inconditionnel que j’ai souhaité intact, même quand les questions du quotidien prenaient toute la place.  

Tu as accompli ton dernier défi : atteindre tes 90 ans avant ton dernier souffle. 

Je suis fière d’avoir été ta petite-fille et d’avoir vécu cette relation privilégiée à tes côtés. 

J’aurais souhaité une fin de vie beaucoup plus douce : chez toi, entourée de tes proches et de ton chat. Et même si ce n’est pas ce qui est arrivé, je sais que tu es partie entourée de la bienveillance des soignants du service de chirurgie orthopédique de l’hôpital. 

Et quant à moi, je vais apprivoiser la vie sans toi.

Continuer à incarner cet engagement que tu m’as permis de porter à ma conscience : contribuer à imaginer et créer des lieux de vie, dans le respect de l’expression de l’identité de chacun, jusqu’à la fin de la vie. 

À la mémoire de ma mamie, ma grand-mère, Gratienne Chauvin, 7 Mars 1932 – 8 Mars 2022. 

Gratienne sur GRANDMAS PROJECT.

Gratienne sur GRANDMAS PROJECT.

Emilie m’a partagé la vidéo de promotion du Grandmas Project et vous imaginez bien que j’ai adoré ! Grandmas Project est un site internet à l’initiative d’un réalisateur, qui vise à rendre hommage à toutes les grand-mères du monde, autour d’un sujet qui met tout le monde d’accord : la CUISINE !

Il invite des réalisateurs du monde entier à produire une vidéo de 8 minutes de leurs grand-mères en train de partager leur recette de cuisine préférée !

Avec cette web-série, il nous invite à porter un regard tendre et bienveillant sur la transmission de nos grands-mères.

Les vidéos que j’ai découvertes montrent des femmes qui parlent d’elles, de leurs histoires personnelles reliées à la grande histoire par l’intermédiaire des yeux pleins d’amour de leurs descendants. C’est l’espace-temps de la transmission, où ce qui doit être dit et vu restera ! Ces grands-mères sont parfois drôles, mélancoliques, nostalgiques, tendres, caustiques, elles sont de vraies bouffées de vie !

Je ne suis pas réalisatrice mais je me devais de contribuer en présentant Gratienne sur le Grandmas Project !

Ma grand-mère ne cuisine plus, mais si c’était le cas et si j’étais réalisatrice, je lui demanderais sa recette des îles flottantes ! C’est vraiment cette recette qui jaillit de mes souvenirs d’enfance, à l’époque où, pour elle, cuisiner faisait partie de nos rituels familiaux. Et puis, il y a eu peut-être moins d’envie de sa part : le dessert de nos repas familiaux est devenu une Viennetta menthe-chocolat ou vanille-chocolat.

Cette année, à l’occasion des fêtes de Noël, ma sœur avait espéré faire elle-même cette Viennetta familiale ! C’est partie remise. Peut-être que nous arriverons à la faire pour les 86 ans de Gratienne, que nous célébrerons ensemble au mois de Mars !

Si nous réussissons à faire ce dessert hommage lors de notre week-end en famille prévu pour l’occasion, je vous promets de vous tenir au courant !

Longue vie au Grandmas Project ! Si vous voulez contribuer à votre tour, c’est par ici : http://grandmasproject.org/fr/

 

COCO, c’est moi Miguel !

 

Durant les vacances de Noël, j’ai accompagné mon fils au cinéma pour voir COCO, le dernier film d’animation de Pixar et Walt Disney, sorti en salle le 29 Novembre dernier. C’est l’histoire de Miguel, qui veut croire et réaliser son rêve de devenir musicien, malgré l’interdiction de sa famille !

C’est une histoire sur la transmission familiale, qui se construit sur une blessure du passé. C’est surtout l’histoire de l’amour familial et du lien intergénérationnel, au-delà de la mort.

Mon fils a 12 ans, comme le personnage principal, mais lors de la séance, je me rends compte que Miguel, c’est moi !

Sa passion qu’il ne s’autorise pas à vivre de peur d’être mis de côté par sa famille, sa passion qu’il doit exposer au grand jour, et aussi, cette quête d’être autorisé par ses pairs à la vivre ! Ce film, c’est aussi une fenêtre sur une autre culture que la nôtre, pour célébrer la mémoire de nos morts.

Et c’est avec émerveillement que j’ai découvert la tradition de Dia de los MuertosLe Jour des Morts. Chaque année, lors de cette nuit, les Mexicains rendent hommage aux disparus, afin de les accueillir pour partager un moment avec eux dans le monde des vivants. C’est une vraie fête où les enfants, les adultes et les aînés se retrouvent pour honorer leurs origines.

Jusqu’à présent, je fêtais Halloween avec famille et amis. Les déguisements, les maquillages étaient prétexte à utiliser notre créativité familiale pour passer une bonne soirée.

Par contre, avec Dia de los Muertos, je trouve un écho à mon besoin de rendre hommage aux disparus de ma famille. De rendre leur présence parmi nous visible. J’aime beaucoup l’idée des photos sur un autel, entourées de toutes les choses qu’ils aimaient. Même si, pour moi, la photo n’est peut-être pas nécessaire. Depuis la mort de ma mère, j’essaie de toujours avoir une orchidée à la maison, surtout à la date anniversaire de sa mort. C’est une fleur qu’elle aimait énormément, et qui l’a accompagnée avec abondance le jour de sa crémation. Cette année, c’est ma grand-mère qui me l’a offerte, c’était encore plus fort de symbole pour moi.

Pour ma grand-mère, les photos représentent son lien entre les vivants et les morts, elles l’accompagnent, l’entourent dans son quotidien. Elles lui permettent de stimuler sa mémoire et de créer une interaction avec toute nouvelle personne qui lui rend visite :

« C’est ma famille, je veux les avoir avec moi ! »

D’ailleurs, elle m’a exprimé le besoin d’en rajouter : il manque encore quelques personnes vivantes et mortes pour compléter son mur du « souvenir » !

Pour en revenir au film, le personnage touchant de Mama Coco, l’arrière-grand–mère de Miguel, est le dernier lien vivant avec le souvenir de son arrière- arrière-grand-père, son père à elle.

Elle est la seule à se souvenir de cet homme, que toute la lignée suivante a décidé de bannir de la mémoire collective. Ce musicien , parti par amour pour son art, n’est jamais revenu auprès des siens et a provoqué cette blessure profonde, que Miguel subit encore deux générations plus tard !

Mama Coco vit avec les siens. Elle est présente à chaque moment de la vie familiale, depuis sa chaise roulante, somnolente et le visage apaisé.

Je me suis reconnue dans ce lien de tendresse que Miguel tisse avec elle. Il lui raconte les anecdotes de sa vie, il fait le pitre devant elle, impassible sur sa chaise, avec toujours la même expression sur le visage. Elle est là physiquement mais son esprit n’est pas connecté au mouvement de la vie, qui s’agite sous ses yeux clos. Pourtant, elle s’éveillera et communiquera quand Miguel chantera la chanson que son père chantait seulement pour elle, quand elle était enfant !

Ce film m’a chamboulée, pour l’ensemble des thèmes et des valeurs qu’il met en lumière. Je suis vraiment heureuse d’avoir partagé ce moment avec mon fils, afin de lui transmettre mes propres valeurs familiales et lui dire que, quels que soient ses choix, que je les partage ou pas, il aura toujours tout mon amour, ma bienveillance et mon soutien. J’espère que notre histoire commune sera une base solide pour qu’il puisse construire la sienne à son tour !